Quiconque se livre à une recherche
documentaire se voit confronté à la surabondance des réponses
apportées à leur requête sur un moteur de recherche. Sérier les
données, répérer les sites pertinents, isoler les réponses utiles
du bruit est une préoccupation constante du documentaliste. D'autre
part, le souci de mettre la plus-value apportée par la recherche
sélective à la portée du public a amené les concepteurs de site
web à chercher d'autres solutions que la publication des
traditionnelles pages "de liens"... la veille documentaire
est un travail de tout instant qui se révèle assez lourd si l'on
veut suivre pas à pas l'actualité et éviter l'obsolescence des
liens que l'on propose.
Depuis quelques années, une pratique
nouvelle apparait fréquemment sur les réseaux sociaux, c'est celle
de la curation de contenu. Cet anglicisme - content curation
- vient en fait du verbe latin : curare, qui signifie soigner. On
pourrait comparer la curation de contenu au travail d'un curateur
d'exposition, qui sélectionne et dispose les oeuvres à présenter
au public. La pratique est en fait similaire : la curation de contenu
est la création d'une page web qui fédère, de façon normalisée,
les liens vers des sites, pages, textes, vidéos ou images,
pertinentes par rapport à un requête documentaire préétablie.
La forme est plus riche que le simple
alignement de liens : chaque référence comporte un titre
personnalisé, un extrait introduisant au contenu, le lien
hypertexte, et la possibilité pour le curateur d'ajouter son propre
commentaire. De plus les liens sont systématiquement répercuté sur
les réseaux sociaux - facebook, twitter, google + ou autre, auquel
le curateur est abonné.
C'est une manière commode d'alimenter
un site sans produire soi-même de contenu. Le contenu ainsi mis en
avant permet non seulement d'alimenter le site — même si dans la
plupart des cas le site renvoie sur la source originale — mais
également de permettre un meilleur référencement du site de
curation par les moteurs de recherche.
Nadine Derwiduée, spécialiste en
veille documentaire du Forem, Département Relations Internationales
a présenté, ce 8 mai, l'outil de curation de contenu le plus connu
: SCOOP-IT. Outil qu'elle utilise, dans ses fonctionnalités
accessibles gratuitement, dans le cadre d'une veille documentaire
consacrée à la politique de l'emploi au sein de l'UE. Elle met en
évidence les avantages de cet outil convivial - simplicité,
gratuité, efficacité et une relative souplesse dans la mise en
oeuvre - et a présenté les principales étapes de sa mise en oeuvre
: procédure d'inscription, choix de titre, définition de la requête
par le choix des descripteurs, édition du contenu ainsi aggrégé -
ce qui lui apporte une valeur ajoutée par la sélectivité et
l'ajout de commentaire - et partage sur la plateforme de curation.
page d'accueil de Scoopit |
Dans la pratique, le procédé est
assez simple sur scoop it, encore faut il définir avec soin ses
critères de recherche qui doivent être suffisamment précis pour
éviter le bruit généré par une surabondance de réponses peu
productives. Cela suppose aussi une définition préalable des
besoins documentaires. La recherche se fait par le biais de moteurs
de recherche - google par exemple - et privilégie les réseaux
sociaux comme facebook, twitter, youtube. Les réponses générées
automatiquement ne sont pas exhaustives et il convient le plus
souvent d'explorer soi-même le web pour trouver d'autres documents
qui peuvent être intégrés d'un clic de souris dans la curation.
La curation peut être effectuée hors
d'un cadre professionnel et diffère de la veille documentaire
proprement dite. La veille documentaire répond à une nécessité
économique ou décisionnelle précise ; la curation, quant à elle,
peut fort bien correspondre à un besoin subjectif de valorisation
d'une thématique à l'intention d'un public spécifique. Le curateur
est parfois décrit "comme un curieux, passionné d’un sujet
et désireux de partager sa passion : une sorte de « DJ »
de l’information numérique" (1)
Plusieurs de curation de contenu
existent. Outilveille décrit 15 outils de curation"incontournables".
un exemple de Pearltrees |
Plusieurs d'entre eux ressemblent fort à Scoop-it. Pinterest
est plutôt centré sur les images, mais pas exclusivement. Storify
semble plus destiné aux journalistes flemmards, car il permet une
génération quasi-automatique d'article (story en anglais) à partir
d'une agrégation de sources diverses. Pearltrees
présente ses résultats sous forme d'une arborescences de "perles"
(correspondant à un site ou à un contenu) tandis que Addictomatic
vous permet de créer en quelques secondes une page personnalisée
autour d’un buzz ou d’un thème de veille ou d’actualité.
Si ces outils ont leur utilité et leur
pertinence, il faut cependant rester conscient de leur limites, à la
fois techniques - en fonction de la nature des services offerts - et
psycho-sociales. La curation est une activité individuelle, non
lucrative et non commanditée, qui répond à des besoins subjectifs
de valorisation personnelles. Restructurant une masse de données
selon des critères non validés par des tiers, la curation ne peut
prétendre ni à l'exhaustivité ni à l'objectivité. Cependant le
curateur - s'il est avisé - peut parfaitement mettre en valeur des
sources ou des informations qui s'écartent du main stream, jouant
ainsi le rôle d'un utile "filtre humain" dans un flux
informationnel devenu pléthorique.
note
(1) Frédéric Martinet, Le curateur,
cet animal social dans la jungle informationnelle, in
Documentaliste-Sciences de l'Information - Vol. 49, 2012/1 - pp 24 et
sq
sources et liens
- wikipedia : curation de contenu : http://fr.wikipedia.org/wiki/Curation_de_contenu
- Documentaliste-Sciences de
l'Information - Vol. 49, 2012/1
La curation : Entre usages individuels et pratiques professionnelles : revue disponible en ligne à
http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2012-1.htm - Quinze outils de curation incontournables : http://outilsveille.com/2013/11/15-outils-de-curation-incontournables/