Deuxième pays le plus peuplé au
monde, l'Inde compte plus de 1,2 milliard d'habitants... toute vision
unitaire de cette nation serait réductrice.
En effet, l'Inde est un immense
laboratoire de la la diversité ethnique et culturelle En témoigne
l'incroyable profusion des langues qui y sont pratiquées. Si l'Union
indienne reconnaît 22 langues dites constitutionnelles, on estime à
1600 le nombre de langues pratiquées, dont 398 sont officiellement
répertoriées... un grand nombre d'entre elles sont menacées et
disparaissent parfois sans que l'on s'en rende compte réellement.
40 langues sont parlées par plus d'un
million de locuteurs soit plus de 850 millions de personnes.
Autrement dit, un dixième des langues est parlée par la très
grande majorité de la population et 90 % des langues de l'Inde ne
sont utilisées que par 15 % des locuteurs indiens. On ne saurait
décrire en détail ici cette diversité linguistique - nous
renvoyons par exemple à l'excellent site mis en place par Jacques
Leclerc de l'Université de Laval (Québec) "l'aménagement linguistique dans le monde" - sinon pour n'en évoquer que quelques aspects.
En gros, il y a une première
subdivision nord/sud. Au Nord sont pratiquées les langues de la
famille indo-européenne - ou plus spécifiquement indo-iraniennes -
au Sud, les langues dites dravidiennes. En plus de ces deux familles,
on compte aussi les langues sino-tibétaines, pratiquées, on s'en
doute, dans les régions frontalières du nord : Népal, Bouthan,
Birmanie...et les langues langues austro-asiatiques (comme
le munda ou le nicobarais).
Pour comprendre cette disparité, il
faut remonter quelque 3500 ans... entre 1500 ans et 500 ans avant
notre ère, les peuples indo-iranien migrent vers l'Est, occupent
progressivement l'Iran puis le sous-continent indien, repoussant vers
le Sud les Dravidiens qui y vivaient. Les peuples de souche Mounda se
retrouvent isolés en quelques enclaves subsistant dans les États du
Nord-Est. Durant cette période, émergeant de la civilisation de
d'Indus, une des plus anciennes civilisations urbaines, se développe
la civilisation védique constituant le soubassement de la
philosophie et religions hindoue. C'est durant cette antiquité que
le système des castes se met en place. Au Ve siècle avant notre
ère, le bouddhisme et le jaïnisme surgissent comme des réformes
religieuses ascétiques et deviennent des religions indépendantes.
Les langues indo-iraniennes actuelles
sont issues du sanskrit, langue morte utilisée uniquement par les
brahmanes dans un contexte sacré. Les prakrits
en étaient les formes vulgaires mais elles furent la langue
littéraire des guerriers et des rois, parmi ces
langues, le pâli fut utilisé dans les textes fondateurs du
bouddhisme. C'est au cours du "moyen-âge indien" entre 500
et 1200 de notre ère, que se structurent les langues indiennes
modernes. On recense officiellement 21 langues indo-iraniennes. Cette
diversité a entraîné, au 19e siècle, avec le développement du
commerce et de l'administration centrale, la nécessité d'une langue
commune, l'hindoustani, permettant les échanges entre groupes
ethniques... cette langue est pratiquée aussi bien par les
hindous que par les musulmans, mais les tensions entre ces
communautés se répercutent sur le plan linguistique en
suscitant le clivage de l'hindoustani entre l'hindi - pratiquée par
les Hindous - et l'ourdou, langue de la communauté musulmane.
Grammaticalement, c'est la même langue mais l'écriture diffère :
l'alphabet dévanagari est utilisée en hindi tandis que l'alphabet
arabo-persan est utilisée en ourdou. La partition en 1947 de l'Inde
accentue le clivage entre les deux langues qui ont tendance à
évoluer en divergeant puisque progressivement les néologismes de
l'ourdou - langue officielle au Pakistan et co-officielles dans
certains états indiens - sont puisés dans les langues persanes,
tandis que les néologismes de hindi - langue officielle de l'Inde -
s'inspirent de l'ancestral sanskrit.
Pour mesurer l'impact de l'hindoustani
(et de l'hindi) il faut se rappeler que c'est la seconde langue
parlée, en terme de nombre de locuteurs, au monde, après le
Chinois. Les langues indo-iraniennes sont parlées, en Inde, par les
trois quart de la population. Les langues dravidiennes pourraient
faire office de parents pauvres, mais elles concernent un quart de la
population indienne : 214 millions de personnes. Usitées dans les
quatre États du sud de l'Inde (Kerala, Karnataka, Andra Pradesh et
Tamil Nadu) et au Sri Lanka, elles comportent une trentaines de
langues dont les plus importantes sont le tamoul, le kannada, le
telougou et le malayalam.
1600 langues, 398 officiellement
reconnues, 22 langues constitutionnellement reconnues, 30 langues
parlées par plus d'un millions de locuteurs, 122 langues parlées
par plus de 10,000 personnes, et plusieurs centaines de langues
isolées, mal connues et non reconnues, menacées par
l'uniformisation culturelle et sans statut officiel comme les langues
des aborigènes. Cette réalité incroyablement complexe se traduit
par une politique linguistique raffinée, mais qui marche pour ainsi
dire sur les charbons ardents des revendications et ressentiments
identitaires. 22 langues dites constitutionnelles, sont reconnues par
l'État fédéral et utilisées
dans l'administration. La Constitution précise que chaque État
choisit une ou plusieurs langues officielles pour son parlement, son
administration publique, ses cours de justice, l'enseignement et
l'affichage. Partout l'usage de l'anglais reste possible, même
lorsqu'il s'agit de communiquer entre États. En outre les États ont
leur propre politique linguistique et déterminent leurs propres
langues officielles Certains États conservent l'anglais, et
reconnaissent plusieurs autres langues.
En outre, il faut aussi garder à
l'esprit que les langues indo-iraniennes et dravidiennes s'écrivent
avec une douzaine d'alphabets différents
Dans la pratique les administrations
utilisent l'anglais ou l'hindi pour communiquer avec les autorités
centrales, et l'hindi et une ou plusieurs langues locales pour
communiquer avec les autorités locales ou avec la population,
souvent dans une formule dite "trilingue" : langue
maternelle locale/langue officielle (anglais/hindi)/langue officielle
régionale. Ce qui induit une priorité dans l'enseignement : langue
officielle régionale, hindi, puis l'anglais comme langue de
communication internationale. Cependant dans l'enseignement primaire,
les langues locales maternelles minoritaires sont protégées : leur
enseignement est obligatoire dès lors que 10 élèves sur 40 le
demandent.
Mais cette protection des langues
minoritaires est coûteuse, et beaucoup d'État, prétextant des
contraintes budgétaires, contournent ou négligent les
réglementations en vigueur et on peut considérer que nombre de
langues pratiquées par des minorités ethniques sont menacées.
Par
ailleurs, la langue coloniale, l'anglais, jouit d'un statut
particulier. 10 % des Indiens le pratiquent. Après
l'indépendance, l'État indien avait considéré que l'anglais
resterait langue officielle durant 15 ans, mais au terme de cette
période, les États et les communautés de langue dravidienne,
craignant la suprématie de l'hindi, ont revendiqué le maintien de
l'anglais comme langue officielle, pour faire contrepoids. De sorte
que l'anglais est, en maints états de l'Union indienne, considérée
comme une langue officielle à part entière. En réaction, l'usage
de l'anglais est vilipendé par les nationalistes hindous, qui
réclament l'hindi comme seule langue officielle. En fait, l'anglais
n'est correctement parlé que par une minorité d'universitaires ;
ceux qui appréhendent l'anglais comme deuxième ou troisième
langue, l'ont transformé en ce qui est appelé "hinglish",
devenue la langue branchée de la bourgeoisie sous l'influence notamment du cinéma bollywoodien.
Deux autres langues allogènes sont
pratiquées localement : le portugais, à Goa et le français, à
Pondichéry où 10 mille francophones vivent encore.
sources :
Inde : in Aménagement linguistique du
monde, par J. Leclerc :
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/inde-3pol-etats.htm
Wikipedia : langue de l'Inde :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_de_l%27Inde
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