vendredi 21 mars 2014

"le sac de farine" : choisir sa vie


Le festival pour l'interculturalité et contre le racisme "à Films ouvert" fut l'occasion pour nous de présenter le film "Le sac de farine" en présence de la réalisatrice Kadija Leclere.

Kadija Leclere (réalisatrice) et Daniel Bonvoisin (Media Animation asbl), au PHARE - 20 mars 2014


Sarah; 8 ans, vit dans un foyer d'accueil catholique à Alsemberg. Elle s'interroge, avec angoisse, sur ses origines. Sans prévenir, son père biologique qu'elle n'a jamais vu, se présente pour l'emmener en week-end à Paris, mais c'est au Maroc que l'enfant se réveille. Depuis ce moment, elle devra, jour après jour, s'adapter à cet environnement inconnu pour elle et tisser, avec la famille de son père, de nouveau liens affectifs. C'est en un monde de femme qu'elle grandit, avec la volonté farouche de rester libre et de défier les conventions sociales rigoristes au nom d'un amour librement partagé. 

Parfaitement interprété, soigneusement mis en scène, le film aborde par touches sensibles la complexité de l'intégration culturelle. On se situe hors de tout manichéisme : le père n'abandonne pas l'enfant, mais émigré en Belgique, il confie Sarah - dont la mère, devenue folle, vit recluse dans le village - à sa famille.En passant de l'adolescence à l'âge adulte, Sarah découvre l'amour à travers un jeune étudiant, engagé dans les révoltes qui eurent lieu au Maroc dans les années 80. Dans ce contexte troublé, la famille doit faire face à la misère, et Sarah devra lutter pour conquérir un véritable statut social, qu'elle acquerra dès lors qu'elle pourra apporter à sa famille d'accueil le sac de farine fruit de la vente des tricots qu'elle a réalisé durant sa scolarité marocaine.

On trouve ici tout la finesse du regard porté par la cinéaste. Enfant, elle devra renoncer aux cours de géographie ou d'histoire, car on lui impose, comme on impose à toutes les fillettes, les classes de tricot ou de couture. Mais ce qui peut sembler la marque de l'aliénation sexiste sera par la suite l'instrument de son émancipation puisque elle agira - adulte - en femme d'affaire, négociant âprement les matières première et les pulls qu'elle vend - contribuant à la survie de sa famille et en dynamisant l'économie locale. 

Outre la question des différences culturelles, des contradictions entre la tradition rurale et la modernité, et du rôle social dévolu aux femmes, le film interroge lucidement la notion de liberté et de destin. Sarah, tout en subissant son sort (le déracinement), reste libre, elle choisit sa voie oscillant entre détermination et liberté dans une tension constante entre la nostalgie des origines (quête impossible d'une identité originaire) et la conquête d'espace nouveau.

bande annonce du film (en HD sur vimeo com)


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